INTERVIEW
Jean-Pierre DAZY et Bernard DELETOILE
Avec leur compère Didier BARBEREAU, Jean Pierre et Bernard ont effectué en été 2018, avec de vieilles Citröen Traction préparées par leurs soins, un périple de 12700 kilomètres depuis l’agglomération Orléans jusqu’au Cap Nord. Les Adhérents de RETROCHAP connaissent bien ces trois amis que nous retrouvons souvent lors de nos rassemblements mensuels et qui nous ont fait l’honneur, lors d’une soirée de l’association, de nous présenter leur périple, aventure qu’ils ont relatée dans un livre passionnant intitulé « Cap Nord en Traction Avant ».
Cet ouvrage, assorti de multiples photos présente le déroulement et les richesses du voyage, pour le moins inhabituel avec des véhicules nés en 1939 pour le plus ancien et en 1956 pour le plus jeune, si est possible de le qualifier ainsi.
La première partie du livre traite de l’éventail des opérations préparatoires à l’équipée, avec naturellement les aspects mécaniques des véhicules, mais aussi ergonimiques en ce qui concerne leur aménagement.A partir de l’expérience vécue par Bernard, Jean-Pierre et Didier nous avons souhaité mieux cerner le déroulement des préparatifs nécessaires pour entreprendre un tel voyage.
C’est dans ce cadre que Jean-Pierre DAZY et Bernard DELETOILE ont accepté de nous recevoir et de répondre à nos questions.
Rétrochap : Dans votre livre vous indiquez que le voyage au Cap Nord s’est substitué à un projet Paris-Pékin pour lequel les contraintes réglementaires se heurtaient à votre envie de liberté. Vous décidez en janvier 2018 de prendre la route pour le Cap Nord début juin suivant, seulement quatre mois plus tard, ce qui implique peut-être un planning de préparatifs précis ?
JP et B : Effectivement au départ nous avions envisagé une expédition jusqu’à Pékin. Pour celle-ci Bernard avait acheté sa Traction et l’avait préparée tout l’hiver pour remise en route, ce qui sur le plan mécanique donnait un peu d’avance pour l’expédition au Cap Nord dont l’idée nous a été suggérée par Didier qui devait participer début juin à « Moto légend ». Dès lors nous pouvions démarrer notre voyage juste après pour profiter de l’amplitude diurne des contrées septentrionales. Nous avons arrêté ce calendrier confiants sur la volonté et la capacité chacun de nous de tenir l’objectif. La confiance entre les participants est un point clé pour la réussite d’un projet. En effet il est important de savoir comment va s’entendre et fonctionner une équipe.
Pour notre projet, il aurait été vain de détailler un planning sur le modèle industriel en particulier car l’état des lieux des véhicules n’était pas connu. C’est donc pas à pas de manière réfléchie, en fonction de l’évaluation des besoins, que nous avons mené les préparatifs du voyage.
Rétrochap : Au cours des quatre mois de préparation votre projet a-t-il évolué en ce qui concerne ses modalités ?
JP et B : La principale évolution est liée à la découverte du pick-up de Jean Pierre qui au départ envisageait d’utiliser sa Traction familiale. Avec ce pick-up, roulant, rapatrié par la route de la Manche jusqu’au Loiret, s’ouvraient de nouvelles possibilités d’aménagement en petit camping-car dont nous avons profité, notamment pour les couchages et les coffres à bagages. En ce qui concerne la Traction à Bernard, l’évolution est également liée à la problématique du couchage. Envisagé initialement sur la galerie de toit, il a été installé avantageusement à l’arrière de la voiture avec le retrait de la banquette. La question du couchage est importante si l’on décide de passer les nuits dans le véhicule et de voyager en liberté. En effet, il est préférable et parfois utile en fonction des règles locales de rendre invisible pour les tiers l’espace de nuit utilisé dans un véhicule.
Rétrochap : A un moment avez-vous douté du respect du planning vu l’ampleur des travaux à mener ?
JP et B : Non jamais ! Ce ne fut pas large mais s’il avait fallu nous y aurions passé les nuits.
Rétrochap : Comment s’est construit l’itinéraire adopté pour le voyage et selon quels critères principaux ?
JP et B : De manière unanime nous voulions atteindre le Cap Nord par la côte, donc par la Norvège et également passer par les capitales. Pour l’aller des interrogations subsistaient pour passer du Danemark en Norvège, soit via Copenhague ou soit par le ferry qui rejoint Oslo à partir de la pointe nord du Danemark, solution retenue.
Une autre alternative se posait pour aller d’Oslo à Bergen, par l’intérieur du pays ou par la côte. Nous avons choisi la première hypothèse.
Par ailleurs le choix de notre itinéraire a été guidé par le souhait de Bernard de passer par Berlin.
Rétrochap : le premier jour de route, après 300 km, la boîte de vitesse de la Traction à Bernard rend l’âme et vous êtes immobilisés. Aviez-vous envisagé ce scénario et plus généralement avez-vous prévu une assistance particulière pour la durée de votre voyage ?
JP et B : Nous nous doutions que des pannes interviendraient mais naturellement être immobilisé le premier jour de route ne s’inscrivait pas dans nos scénarios. Toutefois le fait que nous n’étions pas encore loin a facilité l’apport d’une boîte de remplacement par des amis demeurés à Orléans.
En ce qui concerne l’assistance particulière, nous avons souscrit un dispositif d’assurance pour le rapatriement des véhicules bien que le principe de réparation sur place en cas de panne était ancré en chacun de nous et qu’il a été respecté.
Rétrochap : Il est difficile de tout prévoir. Alors faut-il anticiper le parcours ou les étapes en fonction de sources géographiques de pièces détachées ?
JP et B : Non ce n’est pas nécessaire car en Europe il est possible de se faire livrer en « poste restante », et les bureaux de postes existent dans toutes les villes.
Rétrochap : Selon vous quelqu’un de non expérimenté peut-il, dans des conditions raisonnables, s’engager seul et avec un véhicule d’époque dans un voyage comme le vôtre ?
JP et B : Jean Pierre estime qu’avec une voiture cela peut devenir compliqué, à contrario avec une moto c’est réalisable. En effet en cas de panne les problèmes naissent de la contrainte éventuelle d’abandonner la voiture sur place, en particulier au bord de la route. Alors que, suivant expérience vécue, on trouve généralement un endroit ou un habitant qui aidera à remiser l’engin en attendant les solutions de réparation. Bernard, qui a souvent voyagé seul en pays lointains, estime que tout repose sur l’attitude du voyageur dans son approche des autochtones. Il faut savoir rester humble, s’extraire de son raisonnement français et respecter les interlocuteurs locaux qui généralement s’efforcent de prêter assistance.
Rétrochap : Y a-t-il des modèles de véhicules anciens avec lesquels il faut éviter de se lancer dans une aventure comme la vôtre, par exemple une Peugeot 402 ?
JP et B : Ce qui doit prévaloir c’est la disponibilité de pièces détachées se rapportant au véhicule avec lequel il est envisagé de se lancer. En l’occurrence la Citroën Traction présente un avantage du fait des nombreux fournisseurs de pièces, la voiture ayant eu une longue carrière sur beaucoup de territoires, ce qui est moins le cas des 402. Toutefois nous nous sommes aperçus que l’image de la Traction dans les pays comme la Norvège ou la Finlande souffrait de l’identité de ses utilisateurs d’antan. Ainsi dans ces deux pays, la Traction était fréquemment utilisée par l’occupant allemand durant la seconde guerre mondiale et encore aujourd’hui ce véhicule est associé, en symbole, à l’occupation dont ils ont beaucoup souffert.
Rétrochap : Hormis les frais liés à la transformation des véhicules et à leur préparation voire à leur restauration, comment avez-vous anticipé le budget du voyage ?
JP et B : Avant d’y être nous avions par exemple une mauvaise image du coût de la nourriture en Norvège, ce qui s’est avéré faux dès lors qu’on achète la nourriture du pays. De ce fait nous sommes partis avec une quasi autonomie alimentaire constituée en France, ce qui limitait le risque budgétaire et nous a permis d’évaluer globalement le budget en fonction du prix de l’essence dans les pays traversés et de la consommation des véhicules. Il convient de préciser que nous entreprenions un voyage « plaisir » et qu’à ce titre il n’était pas question de se fixer un budget journalier comme il en est évoqué parfois dans certains reportages télévisés.
En revanche il n’est pas inutile de prévoir les coups durs. Ainsi il est prudent de constituer auprès de sa banque une réserve d’argent pouvant être transférée facilement et immédiatement au plus près de l’itinéraire parcouru.
Rétrochap : Forts de votre expérience, quels conseils pouvez-vous donner aux adhérents de l’association qui voudraient s’engager dans une aventure similaire ?
JP et B : Evidemment il ne faut pas s’engager sur un coup de tête, un grand circuit en équipe se prépare sous plusieurs angles surtout avec des anciennes. Il est possible de formuler de manière non exhaustive les conseils suivants :
- Tout d’abord les participants doivent bien se connaître, si possible avoir le même esprit curieux et savoir s’enrichir mutuellement des compétences et passions de chacun, être ouverts. Entre-eux les règles essentielles sur lesquelles ne pas déroger doivent être fixées.
- Ensuite avant d’arrêter la destination il convient de se renseigner sur les règles et usages des pays à traverser et de mesurer la capacité des participants à respecter ces règles et usages. Ceci est fondamental. En aucun il ne faut arriver en terrain conquis.
- Il convient naturellement de bien choisir le ou les véhicules qui seront utilisés et de s’assurer de leur fiabilité.
- Le rangement des bagages est important pour éviter de tout défaire à la première occasion. Ainsi mieux vaut que chacun sache où est rangé quoi. En ce qui concerne les pièces détachées à emporter leur choix dépend de l’équation « poids/volume/nécessité ». Une fois le choix défini, partager une liste n’est pas superflu.
- Outre les originaux des papiers personnels et des véhicules, disposer d’un double peut s’avérer bien utile.
- Enfin, si le naturel veut qu’à l’étranger le rapprochement avec des compatriotes français est souvent facilité, il faut rester vigilant au comportement de ceux-ci et ne pas froisser les populations locales de quelque manière.
Rétrochap : Et maintenant, l’aventure se continue-t-elle ?
JP et B : Bien sûr ! Nous disposons d’une page « Facebook » qui permet de garder le lien avec celles et ceux qui nous ont suivi. Il suffit de taper CAP NORD EN TRACTION AVANT.
Sur cette page est non seulement repris le détail de notre expédition au Cap Nord avec de multiples photos mais aussi les caractéristiques des projets en élaboration dont par exemple un tour de Corse en mai juin prochains auquel il est possible de s’associer.
Donc Bernard, Didier et Jean Pierre continuent leur histoire et projettent de nouvelles aventures qu’ils partagent sur « Facebook » et à travers leurs livres qu’il est possible de commander sur le site ou auprès de Jean-Pierre DAZY,
Par mail : dazy-jeanpierre@bbox.fr
Par téléphone : 06 61 99 94 28
A ce jour sont parus les ouvrages dont couverture ci-après :
20 € 15 €
UN GRAND MERCI A JEAN-PIERRE et BERNARD